Belgium

Quelques faits de l’histoire et de la petite histoire de la phoniatrie et de la logopédie belges.

P.H. Dejonckere
Instituut voor Foniatrie, Faculteit der Geneeskunde
Universiteit Utrecht.

Introduction
Autant il pourrait paraître présomptueux d’insinuer que notre pays ait historiquement joué un rôle de pionnier en Europe etdans le monde en matière de phoniatrie et de logopédie, autant il serait injuste de ne pas mettre en exergue, dans le cadre d’un opuscule sur l’histoire de l’ORL belge, les rares mérites ou le caractère particulièrement attachant d’un certain nombre d’hommes et de femmes qui se sont illustrés en se dévouant à la cause des troubles de la voix, de la parole, du langage et de la déglutition. Comme ailleurs, ces aspects de la pathologie n’ont pas intéressé que les oto-rhino-laryngologistes: la phoniatrie a une vocation de multidisciplinarité, et s’est toujours investie dans la coopération avec une discipline paramédicale en particulier, la logopédie. C’est ce qui justifie l’inclusion dans ce chapitre, d’aspects historiques nationaux relatifs à cette discipline, avec laquelle nous avons, en tant qu’oto-rhino-laryngologistes, des relations privilégiées qu’il est - de l’avis de l’auteur - opportun d’entretenir et de renforcer. Par ailleurs, l’auteur demande la plus grande indulgence pour cet assemblage assez hétéroclite de données qu’il livre : l’objectif n’a été de collationner quelques informations éparses qu’il serait sinon malaisé pour le lecteur de retrouver.

La pathologie de la voix, de la parole et du langage L’ouvrage de G. Rouma (1906) apporte quelques précisions sur des activités de nature phoniatrique en Belgique auXIXème siècle. C’est ainsi qu’en 1827, le roi Guillaume des Pays-Bas nomma une commission spéciale pour étudier les résultats obtenus dans le traitement du bégaiement par un nommé Malebouche, lequel désirait exploiter une méthode nouvelle qu’il tenait directement de l’inventeur : Mme Leigh de New York. A la suite du rapport très favorable de cette commission, le roi, par ordonnance du 4 octobre 1827, accorda à Malebouche le privilège de traiter les bègues sans concurrence et sous le protection du gouvernement. Sa majesté lui accorda, en outre, une gratification comme récompense du fait d’avoir introduit son art dans le Royaume des Pays-Bas. Dans le but de faire participer les bègues nécessiteux aux avantages de la nouvelle méthode, le gouvernement acheta ensuite le secret de Malebouche et le communiqua à un de ses médecins, qui eut charge de traiter les bègues pauvres. Ceux-ci, reçus gratuite ment, étaient tenus d’observer le secret de la méthode. La révolution de 1830 mit un terme à l’occupation hollandaise, en même temps qu’au traitement du bégaiement selon Malebouche...

En 1872, à la demande du bourgmestre de Bruxelles, un rapport fut fait par le dr Janssens, membre de l’Académie royale de Médecine, sur le méthode de traitement des bègues de M. Chervin, de Paris. En 1885 et 1886, deux nouveaux rapports furent présentés à l’inspecteur en chef du service de santé sur la même méthode par une commission constituée à la demande du Conseil Communale de Bruxelles. Un cours d’essai fut installé à l’Ecole Nr. 12 : M. Chervin donna des indications aux instituteurs, fit faire des exercices de respiration et exerça les élèves des classes inférieures à la lecture rationnelle, laquelle devait servir de moyen prophylactique contre lebégaiement. Les résultats ne répondirent pourtant pas à l’attente, et le cours fut rapidement supprimé...

Il faut signaler encore un rapport d’un instituteur bruxellois qui examine en 1905 16.000 écoliers et calcule 1.25 % d’enfants atteints de bégaiement (Grégoire, 1948).

Paul Hennebert (1981) cite le relevé statistique pour l’année 1905 du Service ORL de l’Hôpital Saint-Jean, dirigé par le Docteur Delsaux : la pathologie phoniatrique y est peu représentée : on n’y retrouve en effet qu’une gueule de loup, 2 aphonies hystériques et 5 sourds-muets.

Un document original intéressant est le “registre” de la Salle d’hospitalisation ORL de l’Hôpital Universitaire Saint-Pierre à Louvain pour l’année 1925. Il rapporte, à la manière d’un journal de bord, les faits et gestes quotidiens de l’oto-rhino-laryngologie d’alors. Les pathologies phoniatriques y demeurent peu communes, mais l’un ou l’autre exemple laisse méditatif :

Le 20 octobre

B. I., de Bruxelle, 4 ans. Nasonnement.
Division palatine très large,; fente allant jusqu’à l’arcade dentaire. Distance entre les bords internes 1 1/2 cm.
Opération par le prof. V. d. Wild(enberg), assist. Drs Guns et De Prest.
Anesthésie : chloroforme.
Durée : 2 h. 45.

le 21 octobre

Lavement évacuateur et nutritif.
On donne à boire pour mouiller les muqueuses buccales. Température 37°. Pouls 110.

le 22 octobre

Aspect extérieur : l’enfant est tout à fait inactif. Auscultation : râles ronflants dans les 2 poumons. Coeur normal. Ne tousse ni crache.
Pouls 125.
Température 38° le soir.
Mort à minuit.

Résumé : urano-staphyl(oraphie). Décès.

Dans les années ‘30, le Dr De Prest, ORL, examine à l’Hôpital Saint-Jean à Bruges les fillettes sourdes-muettes de l’Institut Spermalie, et prend l’initiative, avec son frère dentisteet sa soeur logopède, formée par Maria Mussafia, de créer un centre de logopédie.

La Ligue Nationale Belge d’Hygiène Mentale crée en 1932, sous la direction du professeur G. Vermeylen, de l’U.L.B., un service de Logopédie s’adressant principalement aux enfants inadaptés, en particulier bègues ou dyslexiques. L’aspect médical est assuré par des pédo-psychiatres. Maria Mussafia y assurera, de 1933 à 1977 une consultation de Lo


gopédie. Elle pratiquera également la Logopédie à la Clinique de la rue des Eperonniers, dirigée par le dr Mme Jadot-Decroly, au centre Neurologique de la rue de Linthout avec le Dr L. Laruelle, à l’Institut Fraiteur, au Foyer des Orphelins , àl’Hôpital Saint-Pierre, notamment dans le service du professeur Dubois, à la Clinique du War Memorial (Centre de Psychocinésie du dr Lust), et à l’Ecole Européenne.

Pendant la seconde guerre mondiale, Maria Mussafia exerce dans le service d’ORL du professeur van den Branden.
Portrait de professeur Paul Guns (reproit de son image funéraire)
En 1953, le professeur Paul Guns (Fig.1) crée le service de Logopédie aux Cliniques Universitaires St Pierre à Louvain en 1953 : La première logopède, la fondatrice du service, est Marie-Thérèse Barbaix, qui terminait alors ses études d’Education Physique à l’UCL (avec mention extraordinaire sur le diplôme “spécialisation en logopédie” (15.07.53), spécialisation qui n’existait pas encore officiellement) avec un mémoire intitulé “Apercu général de la Rhinolalie”. Melle Barbaix fera par la suite lalongue (40 ans) et brillante carrière que l’on sait à l’Université Catholique de Louvain, et participera notamment à la formation de générations de logopèdes. Françoise Estienne la rejoindra vers 1960.

Dans les années ‘50 et ‘60, Lucie Goldsmit travaille comme logopède aux Cliniques St-Pierre (Bruxelles) : elle s’est formée notamment aux Etats-Unis et est licenciée en Pathologie du
Langage de l’Université de Pittsburgh.

Mme Jarbinet, pionnière de la logopédie dans la région liégeoise, faisait elle aussi des consultations logopédiques à l’Hôpital de Bavière dans les années ‘50.

Le 9 mars 1968 est inauguré - en présence notamment de M. Maron, Administrateur-Directeur du Fonds National de Reclassement Social des Handicapés - le Centre d’Audio-Phonologie del’U.C.L. à l’Ecole de Santé Publique, premier bâtiment érigé sur le site actuel de Woluwe-Saint-Lambert. Peu de temps après, ce Centre prendra le nom de son fondateur: Paul Guns.

Vers la même époque et dans les années ‘70 le professeur Denis Hennebert et le Dr Claude van Michel (né le 25.05.1942) dé ploient leurs activités phoniatriques dans le cadre du Centre du Langage de l’Université Libre de Bruxelles .Mme Luce Dessy fonctionne comme logopède.

Rappelons encore qu’en 1980 a été présenté à la Société Belge d’ORL le rapport : “La portion mobile de la langue” (Blondiau, P., Dejonckere, P., Dourov, N., Jortay, A., Milaire, J., Uziel, A. et Van Breuseghem, R.)

Dans le contexte historique des troubles de la voix, de la parole et du langage, il faut également considérér le traitement et l’éducation des enfants atteints de surdi-mutité, domaine dans lequel la Belgique a joué un rôle digne de notoriété :

Il semble que la première institution ou école pour sourds-muets en Belgique remonte à l’année 1763, et est l’oeuvre de Marie-José De Brabandere à Meulebeke. En 1785, Constantin Van Hansbroecke tente de constituer une “Société d’émulation pour sourds-muets et aveugles” à Liège, mais la Révolution Française anéantira ses efforts. En 1793 se crée à Tournai un “Institut pour Sourds et Muets” dont l’existence semble n’avoir été qu’éphémère. Jean Baptiste Denis Pouplin fonde à Liège un institut semblable, lequel recevra la visite de Guillaume d’Orange.

Le chanoine Jozef Triest (né à Bruxelles en 1760; décédé en 1836), quelquefois surnommé le Vincent de Paul Belge, s’est avec beaucoup de dévouement intéressé aux sourds-muets, spéci-
alement dans la région gantoise (statue à Gand). Il est le fondateur de 4 congrégations religieuses, dont celle des Frères de la Charité, et il crée ,vers 1820, le premier Institut pour sourds-muets en Flandre ,lequel reçevra en 1829 le qualificatif de “royal”.

Son oeuvre sera poursuivie par l’abbé Désiré De Haerne (né à Ypres en 1804, décédé en 1890), prélat, éducateur et homme politique. Disciple de Lamennais, il fut un ardent promoteur de l’indépendance belge et de la liberté de l’enseignement d’abord comme membre du Congrès National, puis comme député (1831-1833;1844-1890). Il joua un rôle particulier dans l’introduction de méthodes nouvelles d’éducation pour sourds-muets dont il s’occupa à Bruxelles et en Angleterre, allant jusqu’à prendre l’initiative d’une fondation en Inde. Il imagina la “Sténo-chirologie”, méthode de communication signée faisant appel aux deux mains. Le frère Florent Stockmans (1844-1922) optera, quant à lui pour l’oralité. En 1873 il devient directeur de l’Institut Guislain à Gand.

A la fin du XIXème siècle, des instituts existent à Bruxelles, Gand, Liège, Namur, Woluwe-Saint-Lambert, Bruges, Maaseik, Anvers et Berchem-Sainte-Agathe. Jusqu’en 1880 (Congrès de Milan), on y applique principalement la “Méthode Française” de l’Abbé de l’Epée. Ensuite ce sera l’ère de l’oralité. Vers 1926-1930, on parlera même de la “Méthode Belge”, propagée par A. Herlin, directeur de l’Institut de Berchem-Sainte-Agathe. Elle s’inspire des principes pédagogiques d’Ovide Decroly, et met l’accent sur la prise de conscience de la fonction symbolique du mot écrit.

Dès la première décennie de ce siècle sont édités des périodiques sur le thème de la surdi-mutité : “Le sourd-muet belge” et la “Revue belge des sourds-muets et de leur enseignement”, dans lesquelles publie notamment A. Herlin.

En 1933, le Rapport de la Société Belge d’ORL est intitulé : L’examen des sourds-muets, et est de la plume du docteur De Prest.

Plus près de nous, Olivier Périer, qui deviendra neuro-anatomiste et professeur à l’ULB, se rendra célèbre par ses idéessur l’intégration des déficients auditifs sévères et profonds dans les circuits d’enseignement normal (Centre Comprendre etarler ; Ecole Intégrée). En collaboration avec le dr Courtoy, il rédige le Rapport 1972 de la Société Belge d’ORL : “L’éducation audio-phonologique, pédagogique et professionnelle de l’enfant déficient auditif”.

L’U.N.A.S. - N.U.A.S. regroupant initialement les audio-prothésistes acousticiens, s’élargit en 1960 aux professeurs pour déficients auditifs et aux logopèdes-orthophonistes. Le Comité de logopédie est constitué de L. Goldsmit, M. Jamoul, D. Jarbinet et C. Groffils.


II. - L’enseignement de la Phoniatrie et de la Logopédie

Le premier cours universitaire de Phoniatrie

L’enseignement spécifique de la Phoniatrie au niveau universitaire date en Belgique du début des années ‘40. C’est alors que Mgr P. Ladeuze, Recteur Magnifique de l’U.C.L., crée une chaire (en fait, un cours) de Phoniatrie, au départ destiné aux étudiants en psychologie et en pédagogie, et optionnel pour les étudiants en médecine. Le premier titulaire en sera le professeur Paul Guns, qui travaillait à ce moment au servi ce d’ORL de l’Hôpital universitaire Saint-Pierre (Louvain), comme adjoint du professeur Van de Wildenberg, d’Anvers.

La formation en logopédie

Les débuts

En octobre 1951, la Ligue Nationale Belge d’Hygiène Mentale a.s.b.l. organise (bénéficiant de l’”appui éclairé du Ministère de l’Instruction Publique”) des “Cours élémentaires de Logopédie pour Instituteurs”. Ces cours se donnent denovembre à avril le jeudi après-midi, de 3 à 5 h., en un cycle de 2 années. La première année comporte essentiellement descours théoriques :

Anatomie du larynx, physiologie de la phonation
Anatomie de l’oreille, physiologie de l’audition Développement du langage chez l’enfant
Hygiène de la voix.
Troubles du langage: retards de parole, dyslalies diverses, bégaiement.
Corrélations psychiques des troubles de la parole.
Problème connexe des troubles de la parole : la dyslexie.

La seconde année assure la pratique étendue des traitements des dyslalies grâce à la fréquentation de la consultation de logopédie de Melle Mussafia au Dispensaire d’Hygiène Mentale de Bruxelles.

Une brochure de 1955 signale que ce cours est suivi, depuis son origine par des istitutrices, instituteurs, des directeurs d’instituts médico-pédagogiques et des psychologues venus de Flandre et de Wallonie.

En Flandre existe, dès 1950, une formation de “spraakleraar” dans le cadre des “Tijdelijke Normaalleergangen”, qui dispensent des enseignements sous forme de cours à temps partiel.
Cette formation est également de 2 ans, et a lieu à Zwijnaarde et à Duffel. Parmi les enseignants figurent le Père Orest, desFrères de la Charité, et le professeur P. Kluyskens.

A Anvers, la “Katholieke Hogeschool voor Vrouwen” crée en 1952 une section “Assistants en Psychologie” : L’un des cours est intitulé “Inleiding tot de Logopedie” et est donné par G. Audenaert, diplômé de Nimègue. L’année scolaire 1956-1957 est créée une “spécialisation en logopédie et en phoniatrie” (2 ans) après le diplôme d’Assistant en Psychologie. Beaucoup de stages ont lieu à Leiden, chez van Dishoeck. A partir de l’année scolaire 1960-1961, la logopédie se sépare de la section “Assistants en Psychologie”, et devient une formation spécifique qui mène, après 3 ans, au Graduat en Logopédie.

A Bruges est fondée le 6 janvier 1957 la “Vlaamse Vereniging voor Logopedie en Foniatrie” qui donnera l’impulsion au “Hoger Instituut voor Logopedie en Foniatrie”, où sera également dispensée une formation de logopède en trois ans.

A Gand (Hoger Rijksinstituut voor Paramedische Beroepen), les études de Graduat en Logopédie démarrent en 1959.

En 1964, un Arrêté Royal crée officiellement le “Graduat en Logopédie”.

La formation universitaire : la Licence en Logopédie

Les débuts de la licence en logopédie en Belgique datent du début des années ‘60: A l’UCL, les instigateurs sont les professeurs Guns et Thinès. Cette licence est mentionnée en 1963 parmi les “études complémentaires à la médecine”.Parmi les premiers professeurs on retrouve MM. Legrand, Costermans, Meulders, ainsi que Mme de Galocsy.

Depuis 1964 existe à la K.U.L. une “Licentie in de Taalpsychologie en Logopedie”, créée à l’initiative (entre autres) du professeur Tyberghein. A partir de l’année académique 1966-67, les deux orientations deviennent distinctes. Depuis 1983-1984 existe le doctorat en Logopédie.

A la V.U.B. se crée fin des années ‘60 une “Speciale Licentie in de Neurolinguïstiek”, dont les titulaires seront à partir de 1978 assimilés aux licentiés en Logopédie.

Ultérieurement une licence sera également créée à l’Université de Liège.


III. Quelques notices biographiques

E. Blancquaert, émule de l’Abbé Rousselot et professeur à l’Université de Gand, fonde dans cette université un Laboratoire de Phonétique et d’”Orthoépie”.Il jouera à la fin des années ‘50, un rôle stimulant dans la création de la formationdes gradués en logopédie à Gand.

Ovide Decroly (né à Renaix, où une rue porte son nom, en 1871, décédé à Bruxelles en 1932), médecin, professeur de psychologie de l’enfant à l’Université de Bruxelles. Promu docteur en Médecine à Gand en 1896, il fait d’abord à Berlin et à Paris des recherches sur l’histologie du cerveau. Revenu à Bruxelles, il s’intéresse à la pédagogie d’enfants retardés, en particulier sur le plan du langage, et montre l’importance de la fonction de globalisation dans la perception du milieu externe. Il appliquera bientôt sa méthode pédagogique à des enfants normaux dans la célèbre école de l’Ermitage. Le “Plan d’Etudes” (1936), servant de base à la réforme de l’enseigne-
ment primaire en Belgique, est largement inspiré de ses théories affirmant que l’appréhension de l’univers par l’enfant est “syncrétique”. Cette vision a notamment amené Decroly à préconiser la méthode globale pour l’apprentissage de la lecture. Il fut président du Premier Congrès International de Pédologie et est l’auteur d’un ouvrage intitulé “Développement du Langage”.

La famille De Prest s’illustre dans les années ‘50 par la publication d’un ouvrage très remarquable pour l’époque :”De Stem : Inleiding tot de Foniatrie en de Logopedie”, primairement conçu comme syllabus de cours pour l’Institut de Bruges, rédigé en commun par Mme G.E. De Prest, professeur audit institut, par le Dr De Prest, oto-rhino-laryngologiste, et L. De Prest, licencié en sciences dentaires et orthodontiste. A noter, chose remarquable à cette époque en Belgique, que le Dr De Prest se qualifie de Neus-, Keel-, Oor- en Stemarts.

Albert Drymael, alors chargé de cours à l’Université Libre de Bruxelles, fait éditer en 1969 ses “Principes de Phoniatrie”, dans lesquels, comme l’indique la notice de l’ouvrage,”l’auteur tente de faire une synthèse de sa double expérience de laryngologue et de musicien, pour aider ses confrères à résoudre les problèmes thérapeutiques difficiles mais que leur pratique journalière leur fait rencontrer”. Il publiera égale ment “Grandeur et servitude de la Phoniatrie” dans les Acta
ORL Belgica 1972.

A. Grégoire fait éditer en 1923 “Les Vices de la Parole” chez Wesmael Charlier à Namur et en 1948 “Le bégaiement” dans la collection Savoir des Editions Lumière à Bruxelles.

Paul (Jean Louis Désiré) Guns, né à Ligne le 29 décembre 1898, docteur en médecine en 1924. Il devient assistant au Service d’ORL de l’hôpital St-Pierre à Louvain et est nommé Chef de Cloinique en 1928. En 1933, il est nommé Maître de Conférences, en 1940 Chargé de Cours et en 1942 professeur. Comme le souligne le Doyen Berthet dans son éloge funèbre, ces promotions académiques trouvaient leur première justification dans une activité d’enseignement et de service d’un type bien particulier : la phoniatrie. Il ne prendra en effet part àl’enseignement de l’oto-rhino-laryngologie qu’en 1948. Il publie la première édition de son “Manuel de Phoniatrie” chez Warny à Louvain, en 1943. Suivront les “Leçons de Laryngologie et de Phoniatrie” (première édition 1958; deuxième édition, E. Warny, 1960). Paul Guns sera également nommé
Vice-Consul du Portugal, et membre de l’Académie Royale de Médecine de Madrid. Il fonde la “Societas Logopedica Latina” et organise à Louvain en avril 1966 (sous le patronage de S.A.R. la Princesse Paola) le premier Congrès Latin de Logopédie qui réunit la plupart des notoriétés de l’époque : On trouve au programme, pour la Belgique : H. Plisnier, M. Mussafia, M.-T. Barbaix, S. Leroy, G. Thinès, P. Van De Calseyde, J. Huyghebaert, J. Marquet, O. Périer, J. Costermans, aux côtés de P. Ardouin (Tours), R. Husson (Paris) , S. Borel-Maisonny (Paris), J. Cauhépé (Paris), G. Rudolph (Poitiers), S. Crifô (Rome), G. Greiner (Strasbourg), C. Chevrie-Muller (Paris), Y. Guerrier (Montpellier), et bien entendu de celui que le Recteur Magnifique de l’époque nomme le zélé assistant du professeur Guns : le dr Johan Van Den Eeckhaut. Le profes-
seur Guns décède à Louvain le 9 janvier 1972. En 1975 sera décerné pour la première fois (par sa veuve Mme P. Guns-Nicolaers et le Recteur de l’UCL Mgr A. Descamps) le “Prix Dr Paul Guns”, le prix institué à sa mémoire pour des travaux de recherche dans le domaine de la Phoniatrie et de la Logopédie.

A. Herlin, professeur à l’Institut provincial de sourds-muets et d’aveugles de Berchem-Ste-Agathe, est l’auteur d’un ouvrage intéressant “Eléments d’Orthophonie” ( 1ère édition : 1906, nouvelle édition revue et augmentée : 1910, 198 pp. ) où il distingue les défauts d’articulation, les défauts de la voix, les troubles de l’élocution, et les accents locaux et étrangers . .

Yvan Lebrun, neuro-linguiste, né le 13 février 1935 à Uccle, professeur à la VUB : Auteur de “Intelligence and aphasia” (1974), “The artificial larynx” (1973), “Neurolinguistic approaches to stuttering” (1973), “Anatomie et physiologie de l’appareil phonatoire” (1968).
Portrait de Maria Mussafia
(reproduit de son image funéraire)
Maria Mussafia (née à Vienne le 23 septembre 1899, décédée à Ixelles le 14 novembre 1985) restera dans l’histoire comme celle qui a donné à la logopédie belge son impulsion décisive. Sa formation première est artistique : elle travaille l’ artlyrique au Conservatoire de Vienne et fait en cette ville un brillant début de carrière. Après une dizaine d’années de prestations vocales intensives surviennent de sérieux problèmes vocaux, qui l’amènent à consulter Emil Fröschels, alors professeur de Phoniatrie à Vienne. Un traitement rééducatif couronné de succès (elle chantera encore à la Monnaie) détermine néanmoins une nouvelle orientation dans la carrière de
Maria Mussafia : de patiente, elle devient l’élève de Fröschels. Une photographie historique (non datée) publiée dans “The History of IALP” (J. Perello) la montre aux côtés de Fröschels à la consultation de Phoniatrie de l’”Allgemeines Krankenhaus” à Vienne. Sa collègue y est Esti Freud (belle-fille de Sigmund). Elle est également active dans le Service d’ORL, alors dirigé par le professeur H. Neumann. Elle côtoie un moment, à Prague, le professeur Miloslav Seeman, dont elle traduira plus tard le traité “Sprachstörungen bei Kindern” en français. Elle va désormais consacrer toute sa vie (elle rééduquait encore en 1981) aux patients atteints de troubles de la voix, de la parole et du langage. En 1932, elle vient à Bruges à l’invitation du Docteur De Prest, oto-rhino-laryngo-logiste très intéressé à la Phoniatrie. Elle travaille au dispensaire de la “Ligue Nationale d’Hygiène Mentale”, à l’Institut Decroly, à la Polyclinique de Bruxelles, au Centre
Neurologique de Linthout, et au Foyer des Orphelins. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, elle déploie une activité considérable pour la formation de logopèdes en Belgique. Elle
propage ses vues grâce à plusieurs publications dans la “Revue Pédagogique” et dans “Le Scalpel”, et suscite, avec le Dr Melle M.-T. Callewaert, un cours de logopédie à la Ligue d’Hygiène Mentale. Ces cours se donnaient à temps partiel,constituaient un cycle de 2 ans, et s’adressaient à un public varié, mais surtout constitué d’instituteurs et educateurs. Y participaient à l’enseignement le Professeur Guns, Melle Brunfaut (langage écrit), autodidacte en la matière , Melle M.T. Barbaix, le Dr M.T. Callewaert, neurologue, et bien sûr Maria Mussafia en personne. Ces études débouchaient sur un certificat. Ultérieurement le cycle sera de 3 années (dernier cycle 1963). Maria Mussafia donnera ensuite à l’Institut Marie Haps le cours “Les troubles du Langage et leur rééducation”. A la fin de sa carrière, elle s’intéressera en particulier aux problèmes de langage des enfants immigrés et à la désintégration sénile du langage. Maria Mussafia était également Oblate Bénédictine, et présida l’Association des Logopèdes, de sa fondation à 1982. Fröschels a résumé sa carrière professionnelle dans cette phrase, qu’il lui écrivit de New York le 20 septembre 1954 : “Sie sind die Belgische Pionierin”.

Joseph Plateau (Bruxelles 1801 - 1883), professeur de physique expérimentale à l’Université de Gand, étudia le phénomène de la persistance rétinienne, et a joué un rôle déterminant dans la découverte de la notion de stroboscopie.

Emile Sigogne : Chargé du cours d’éloquence à l’Université de Liège. Auteur (1895) des “Principes de technique et d’hygiène vocales”.


Bibliographie

Barbaix, M.T. : Histoire de la Logopédie in “Naissance et développement de l’oto-rhino-laryngologie dans l’histoire de la médecine” Willemot J. (Ed.) Acta Oto-Rhino-Laryngol. Belg. 35, Suppl.III, 789-815, 1981.


Barbaix, M.T. : Communications personnelles, 1995.

Berthet, J. : Eloge funèbre du professeur Paul Guns. Le Langage et l’Homme, 18, 3-6, 1972.

Damsté, P. H. : De Universitaire Opleiding in Logopedie aan de K.U. Leuven. Logopedie en Foniatrie, 53, 54-55, 1981.

Dejonckere, P. : Historique de la Phoniatrie, in “Naissance et développement de l’oto-rhino-laryngologie dans l’histoire de la médecine” Willemot J. (Ed.) Acta Oto-Rhino-Laryngol. Belg. 35, Suppl.III, 729-788, 1981.

De Prest, G.E. : De Stem. Inleiding tot de Foniatrie en de Logopedie. N.V. Standaard Boekhandel, Antwerpen - Brussel - Gent - Leuven, 167 pp., 1957.

Drymael, A.: Principes de Phoniatrie, 58 pp. Presses Universitaires de Bruxelles, Bruxelles, 1969.

Drymael, A. : Grandeur et servitude de la Phoniatrie. Acta oto-rhino-laryngol. belg., 26, 810-814, 1972.

Goldsmit L. : Le bégaiement, approche thérapeutique, Editions de l’Université de Bruxelles / librairie Maloine Paris, 1979, 154 pp.

Grégoire, A.: Le bégaiement (60 pp.). Collection Savoir, Editions Lumière, A. Manteau S.A., Bruxelles, 1948.

Guns, P. : Manuel de Phoniatrie. E. Warny, Louvain, 244 pp., 1943.

Guns, P. : Leçons de Laryngologie et de Phoniatrie. Première édition 1958; deuxième édition 1960. Préface de J. Terracol. E. Warny, Louvain.

Hennebert, P. Naissance de l’oto-rhino-laryngologie belge, in “Naissance et développement de l’oto-rhino-laryngologie dans l’histoire de la médecine” Willemot J. (Ed.) Acta Oto-Rhino- Laryngol. Belg. 35, Suppl.III, 1601-1622, 1981.

Herlin, A. : Eléments d’Orthophonie. Nouvelle édition revue, augmentée et ornée de 54 figures. 199 pp. Castaigne, Bruxelles, 1910.

Herlin, A. : Acquisition du langage par l’enfant : normal; aveugle; sourd; sourd et aveugle. (Conférence faite à Schaerbeek, le 5 septembre 1907) Ancienne Librairie Castaigne, 3ème édition, Bruxelles.

Lebrun, Y. : Anatomie et Physiologie de l’Appareil Phonatoire. Labor, Bruxelles; Nathan, Paris, 103 pp., 1968.

Legrain, P. : Le Dictionnaire des Belges. Paul Legrain,Bruxelles , 1981.

Lurquin, G. : Hommage à Maria Mussafia. Le langage et l’Homme, 16, 2-6, 1971.

Moerman, G. : De geschiedenis van het logopedisch onderwijs in Nederlandstalig België. Verhandeling Lic. Logop. K.U.L., Faculteit Geneeskunde; Afdeling Logopedie; 173 pp. Academiejaar 1987-1988.

Mussafia, M. : Les troubles du langage et la vie en société. Revue Pédagogique, 6 (non paginé), 1950.

Mussafia, M. : La Logopédie. Revue Pédagogique, 7 / 8 (non paginé), 1950.

Mussafia, M. : Quarante années de Logopédie. Van Linthout, Louvain, 1972.

Mussafia, M. : Vingt-quatre ans de logopédie à la Ligue Nationale Belge d’Hygiène Mentale. Acta ORL ibero-americana. Proceedings Xth International Speech and Voice Therapy Conference. J. Perello, Ed. 127-130, 1957.

Perello, J. : Lexicon de Comunicologia. Talleres Graficos L.&E., S.A., Barcelona. 1977.

Perello, J. : The History of I.A.L.P. 1924-1982, Editorial Augusta, Barcelona, 1982;

Rouma, G. : L’organisation de cours de traitement pour enfants troublés de la parole” . Tiré-à-part de “Internationales Archiv für Schulhygiene” III. Band, 2. Heft. Leipzig, Wilhelm Engelmann, 116-170, 1906.

Rysenaer, L. : La surdi-mutité, in “Naissance et développement de l’oto-rhino-laryngologie dans l’histoire de la médecine” Willemot J. (Ed.) Acta Oto-Rhino-Laryngol. Belg. 35, Suppl.III, 837-897, 1981.

Seeman, M. : Les troubles du langage chez l’enfant”, traduction de Maria Mussafia, Maloine, Paris, 1967.

Sigogne, E. : L’art de parler. 245 pp. Paul Lacomblez, Bruxelles, 1895.

U.N.A.S.-N.U.A.S. (Bulletin) : Avril 1960, P.2.

Remerciements
Que Monsieur Louis Heylen , président de la Vlaamse Vereniging voor Logopedisten, Mme Françoise Dejong Estienne et en particulier Melle Marie-Thérèse Barbaix veuillent trouver ici l’expression de ma sincère gratitude pour la bienveillance avec laquelle il m’ont fourni d’utiles renseignements ou mis à ma disposition des documents d’archives leur appartenant.